Pourquoi méditer ?
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La méditation, qui consiste à diriger ses pensées par la volonté, peut apporter de nombreux bienfaits. La plupart des gens apprennent à penser dès leur plus jeune âge, et tout au long de leur vie adulte, ils ne pensent pas différemment de ce qu’ils pensaient lorsqu’ils étaient enfants. En d’autres termes, la plupart des gens utilisent leur esprit d’une manière qui n’est pas fondamentalement différente de celle de leur six ans. Grâce à la méditation, il est possible de contrôler le processus de pensée et d’apprendre à penser différemment, ce qui permet d’acquérir de nouvelles expériences mentales plus riches.
Il est important de noter que dans la Kabbale, le mode de pensée normal est appelé « mentalité enfantine » (mochin de-katnuth). Les modes de pensée et les états de conscience plus avancés sont quant à eux appelés « mentalité adulte » (mochin de-gadluth). On apprend ces méthodes de « pensée adulte » par la méditation, qui permet de développer la capacité à transcender les modes de pensée appris pendant l’enfance.
Dans le premier chapitre, par exemple, nous avons examiné comment différentes parties de l’esprit agissent indépendamment les unes des autres. Ainsi, une personne peut vouloir se concentrer sur une tâche à accomplir, mais d’autres préoccupations peuvent surgir dans son esprit et perturber sa concentration. Alors qu’une partie de l’esprit tente de se concentrer sur un problème, d’autres parties peuvent attirer l’attention sur des idées différentes. Tant que cela se produit, la concentration n’est pas totale.
C’est pourquoi une personne n’utilise généralement qu’une petite fraction de son esprit. Même si elle s’efforce de se concentrer sur une pensée ou une tâche, certaines parties de son esprit sont occupées à d’autres activités. Parfois, le reste de l’esprit est simplement passif. D’autres fois, cependant, d’autres parties de l’esprit peuvent agir à l’encontre de la concentration. À moins d’être capable de contrôler l’ensemble de son esprit, il est impossible de développer une concentration totale.
Les gens associent souvent la concentration à la résolution de problèmes. Elle peut également concerner les expériences les plus élémentaires. Imaginons, par exemple, que vous essayez d’apprécier la beauté d’une rose. Parallèlement, des pensées liées à votre travail peuvent envahir votre esprit. Votre attention n’est alors plus focalisée sur la rose et vous ne pouvez pas la voir dans toute sa beauté.
Cependant, un autre facteur vous empêche de profiter pleinement de la rose. Nous avons précédemment évoqué les images spontanées qui apparaissent dans le champ visuel lorsque les yeux sont fermés. En réalité, vous pouvez également voir ces images avec les yeux ouverts dans une pièce sombre. Une fois que vous en avez pris conscience, vous pouvez même les voir avec les yeux ouverts dans une pièce bien éclairée. Si vous ne les percevez généralement pas, c’est parce qu’elles sont très faibles par rapport aux images qui pénètrent dans votre esprit lorsque vos yeux sont ouverts. Elles sont néanmoins constamment présentes.
Maintenant, imaginez que vous essayez d’apprécier la beauté d’une rose. Peu importe les efforts que vous déployez pour concentrer votre esprit sur la rose, l’image de la rose est en concurrence avec les images générées par votre esprit. C’est comme s’il y avait un écran d’images parasites entre vous et la rose, vous empêchant de la voir avec une clarté totale.
Dans un état méditatif, cependant, il est possible de faire abstraction des interférences et de se concentrer entièrement sur la rose. Comme nous le verrons, avec de l’entraînement, il est possible de faire taire les images spontanées générées par notre esprit et ainsi de supprimer l’écran d’images parasites. La beauté de la fleur, telle qu’elle apparaît dans ces états de conscience supérieurs, est indescriptible pour quelqu’un qui n’en a jamais fait l’expérience. Tout ce que je peux dire, c’est que la rose semble réellement rayonner de beauté. Cela peut être vrai pour n’importe quel autre élément du monde.
Un autre objectif important de la méditation est donc d’améliorer la conscience et la perception. Plus la part de l’esprit concentrée sur une expérience est importante, plus cette expérience sera intense. Lorsque chaque cellule de votre cerveau est à l’écoute de la rose, l’expérience est incroyablement différente de ce que vous percevriez dans votre état de conscience habituel.
Cela fonctionne de deux manières. La manière la plus simple est de mettre en sourdine toutes les parties de l’esprit qui ne se concentrent pas sur l’expérience immédiate. Dans ce mode, l’expérience n’est pas directement améliorée, mais toutes les interférences sont supprimées. Ainsi, vous pouvez regarder la rose sans plus de conscience qu’auparavant, mais sans le bruit mental, elle vous paraîtra beaucoup plus vivante. C’est un peu comme essayer de syntoniser [1] une station de radio qui émet faiblement : même si vous ne pouvez pas amplifier le volume, vous entendrez la station plus clairement si vous éliminez les parasites. Ce mode de méditation peut être atteint par la plupart des techniques de méditation et est l’état de conscience le plus facilement accessible dans ses niveaux inférieurs.
La méditation peut également enrichir une expérience en permettant de mieux se concentrer sur celle-ci. À terme, à mesure que l’on acquiert de l’expérience, on apprend à focaliser tout son esprit sur une seule expérience. Cela revient à augmenter le volume d’une radio ou à utiliser un système audio de meilleure qualité. Ce niveau est atteint dans les états de méditation les plus avancés et permet d’exercer toute la force de son esprit sur tout ce que l’on désire.
Bien entendu, aucun de ces deux états ne peut généralement être atteint sans l’autre. Lorsque vous atténuez l’influence des autres parties de votre esprit, vous concentrez davantage votre attention sur l’expérience. À l’inverse, concentrer davantage votre esprit sur l’expérience implique presque toujours de bloquer les autres expériences et pensées.
Cette conscience accrue peut être utilisée de nombreuses façons. La méditation peut être utilisée pour acquérir une conscience plus grande et plus claire du monde qui nous entoure. En observant quelque chose comme une rose dans un état de conscience méditative, on peut y voir beaucoup plus que ce que l’on verrait autrement. On dit que l’on peut voir l’univers tout entier dans un grain de sable. Dans un état méditatif avancé, cela est réellement possible. À mesure que la capacité de concentration augmente, il est également possible de prendre conscience de phénomènes subtils qui ne sont pas détectables autrement. Ainsi, le monde du méditant peut devenir beaucoup plus riche que celui de ceux qui n’ont jamais vécu cette expérience.
Ici encore, il existe une barrière linguistique. Si l’on n’a jamais fait l’expérience de ces phénomènes, il est difficile de comprendre leur description. Une analogie permet de mieux comprendre la situation.
Pour une personne voyante, une page en braille ressemble à du papier bosselé, rien de plus. Une personne aveugle, cependant, n’a pas son sens de la vue en concurrence avec son sens du toucher et ressent donc moins de « bruit ». De plus, comme elle utilise davantage son sens du toucher, son sens tactile est plus développé. Avec de la pratique, elle apprend à déchiffrer les motifs de points en relief pour former des lettres et des mots. Il est vrai qu’une personne voyante peut également apprendre à lire le braille, mais celles qui le maîtrisent le font généralement les yeux fermés, afin que leur vue n’interfère pas avec leur sens du toucher.
La lecture du braille est le parfait exemple d’expérience qui n’a aucun sens pour une personne non sensibilisée, mais qui revêt une signification profonde pour une personne sensibilisée. Il existe probablement de nombreuses expériences de ce type dans le monde, et la méditation peut nous apprendre à « lire » ces messages.
Une autre analogie peut illustrer cela encore plus clairement. De nombreuses personnes aveugles apprennent à se déplacer en écoutant les échos subliminaux émis par les bâtiments et autres objets de grande taille. C’est pourquoi les personnes aveugles tapent souvent sur leur canne ; elles écoutent les échos produits par les coups, qui les avertissent de la présence d’obstacles. Ce qui est étrange, c’est que les personnes aveugles affirment qu’elles n’entendent pas réellement ces échos, mais qu’elles les perçoivent d’une manière qu’elles ne peuvent décrire. Plutôt que de parler de cette expérience comme d’une audition d’écho, une personne aveugle la décrira comme la perception d’un obstacle. Ces échos ne sont pas perceptibles par une personne voyante, dans la mesure où cette dernière est submergée par le flux des informations visuelles. De plus, il existe une période d’apprentissage pendant laquelle une personne aveugle devient sensible à ces échos.
À un niveau plus ésotérique, en médecine tibétaine, ainsi qu’en Kabbale, un certain nombre de maladies peuvent être diagnostiquées simplement en prenant le pouls. Les différences subtiles dans la sensation et le rythme du pouls peuvent fournir à un praticien expérimenté une image de l’état de santé du corps avec une précision étonnante. En observant le médecin personnel du Dalaï Lama poser un tel diagnostic, un médecin renommé a déclaré avoir été témoin de quelque chose qui frôlait le surnaturel.
Le secret est toutefois double. Tout d’abord, le praticien doit apprendre à entrer dans un état de concentration profonde au sein duquel le pouls envahit tout son univers sensoriel et où les variations les plus subtiles ressortent de façon claires et intenses. Le praticien est ainsi en mesure de recueillir une grande quantité d’informations à partir du pouls. Pour lui, chaque battement est une encyclopédie d’informations sur le corps. Une fois qu’il a appris à « lire » le pouls de cette manière, il peut alors apprendre la signification de chaque variation. Les personnes qui ont essayé d’apprendre cette technique rapportent qu’il faut parfois jusqu’à quinze ans pour la maîtriser suffisamment avant de poser un diagnostic fiable.
Plusieurs sources judaïques mentionnent la méditation comme un moyen d’atteindre la perception extrasensorielle dans des domaines tels que la télépathie, la lecture dans les pensées, la clairvoyance et la prédiction de l’avenir. Ces pouvoirs peuvent également impliquer une conscience accrue. Dans l’état de conscience ordinaire, les signaux de perception extrasensorielle reçus par l’esprit peuvent être masqués par les informations perceptives qui pénètrent dans le cerveau, ainsi que par le « bruit » ou les « parasites » naturels de l’esprit. Comme nous l’avons vu précédemment, ces parasites sont constitués de pensées et d’images produites spontanément par l’esprit et qui échappent au contrôle de la conscience. Dans un état méditatif, lorsque ce bruit ou cette statique est atténué, les phénomènes de perception extrasensorielle peuvent devenir plus facilement discernables. Un certain nombre d’expériences de perception extrasensorielle semblent indiquer que cela est vrai et que la méditation renforce cet effet. Malheureusement, comme dans la plupart des expériences de perception extrasensorielle, les résultats dépendent de tant de variables qu’il est difficile d’en tirer des conclusions incontestables.
Un autre objectif de la méditation est d’harmoniser l’esprit avec certaines vérités (ou Vérités avec un grand V). Lorsqu’une personne tente d’explorer des questions telles que le sens de l’existence, le véritable but de la vie ou la nature ultime de la réalité, les réponses restent insaisissables, effleurant la surface de l’esprit. Les réponses possibles planent à la limite de la conscience, mais elles sont si subtiles qu’elles ne peuvent être discernées à travers le brouillard de l’esprit.
L’une des vérités les plus insaisissables est la connaissance de soi. En général, nous ne nous voyons qu’à travers un épais voile d’ego. Pour cette raison, il est impossible de nous voir tels que les autres nous voient. Cependant, grâce à la méditation, nous pouvons lever le voile de l’ego et nous voir avec une certaine objectivité. De cette manière, nous pouvons nous regarder objectivement comme une tierce personne. Nous sommes alors en mesure de voir nos propres défauts et de les surmonter.
La conscience de soi engendrée par la méditation peut également renforcer l’ego lorsque cela est nécessaire. Ainsi, une personne ayant une image négative d’elle-même et un sentiment d’infériorité peut apprendre à avoir davantage confiance en elle. Elle peut examiner ses motivations et apprendre à être plus centrée sur elle-même, à satisfaire ses propres désirs et à ne pas se contenter de répondre aux attentes des autres. Elle peut considérer objectivement ses relations avec les autres et apprendre à les améliorer.
L’un des usages les plus puissants de la méditation est de prendre conscience du spirituel. Bien que nous soyons entourés d’une mer de spiritualité, nous n’en sommes généralement pas conscients. Les sensations spirituelles sont assez faibles et sont généralement éclipsées par le monde des sens. Même dans un état de privation sensorielle, les pensées générées par l’esprit ont tendance à obscurcir les sensations spirituelles. Cependant, si une personne parvient à faire taire toutes ses pensées parasites, elle peut alors « se connecter » au spirituel. Cette connexion est ce que l’on appelle l’expérience mystique. En ce sens, la méditation est la technique la plus importante des mystiques du monde entier.
Les expériences les plus marquantes sont celles vécues par les prophètes dans la Torah. Pour la Torah, un prophète est plus qu’une personne qui voit simplement l’avenir. C’est plutôt quelqu’un qui a une expérience spirituelle si forte qu’il peut l’utiliser pour obtenir des informations. Parfois, ces informations comprennent la connaissance de l’avenir, d’où la conception populaire du prophète comme quelqu’un qui prédit l’avenir. Néanmoins, le véritable prophète a accès à de nombreuses autres vérités en plus de la connaissance de l’avenir. Il est important de réaliser le rôle important que la méditation a joué dans la carrière des prophètes d’Israël.
À son plus haut niveau, la méditation peut offrir à une personne une expérience du Divin. Il s’agit certainement de l ’ expérience spirituelle la plus élevée qui soit. Notre perception d’Hachem est souvent obscurcie par l’ego et l’anthropomorphisme, de sorte que nous avons tendance à voir Hachem comme le reflet de nous-mêmes. En libérant l’esprit de ces entraves, la méditation peut nous aider à ouvrir totalement notre esprit à l’expérience du Divin. Dans de nombreuses traditions religieuses, y compris le judaïsme, c’est le but ultime de la méditation.
[1] Faire en sorte que chaque canal (radio) corresponde à une chaîne, à une station qui émet à une fréquence donnée.