Où courent-ils ?

mardi 16 mai 2023
par  Paul Jeanzé
popularité : 34%

Raymond Devos - Où Courent-ils ? (Olympia 1999)

L’artiste (entrant) :
Excusez-moi, je suis un peu essoufflé !
Je viens de traverser une ville où tout le monde courait…
Je ne peux pas vous dire laquelle… je l’ai traversée en courant.
Lorsque j’y suis entré, je marchais normalement. Mais quand j’ai vu que tout le monde courait… je me suis mis à courir comme tout le monde, sans raison !
À un moment, je courais au coude à coude avec un monsieur… Je lui dis :
—  Dites-moi… pourquoi tous ces gens-là courent-ils comme des fous ?
Il me dit :
—  Parce qu’ils le sont ! !
Il me dit :
—  Vous êtes dans une ville de fous ici… vous n’êtes pas au courant ?
Je lui dis :
—  Si, des bruits ont couru !
Il me dit :
—  Ils courent toujours !
Je lui dis :
—  Qu’est-ce qui fait courir tous ces fous ?
Il me dit :
—  Tout ! Tout ! Il y en a qui courent au plus pressé. D’autres qui courent après les honneurs… Celui-ci court pour la gloire… Celui-là court à sa perte ! ?
Je lui dis :
—  Mais pourquoi courent-ils si vite ?
Il me dit :
—  Pour gagner du temps ! Comme le temps, c’est de l’argent… plus ils courent vite, plus ils en gagnent !
Je lui dis :
—  Mais où courent-ils ?
Il me dit :
—  À la banque. Le temps de déposer l’argent qu’ils ont gagné sur un compte courant… et ils repartent toujours courant, en gagner d’autre !
Je lui dis :
—  Et le reste du temps ?
Il me dit :
—  Ils courent faire leurs courses… au marché !
Je lui dis :
—  Pourquoi font-ils leurs courses en courant ?
Il me dit :
—  Je vous l’ai dit… parce qu’ils sont fous !
Je lui dis :
—  Ils pourraient aussi bien faire leur marché en marchant… tout en restant fous !
Il me dit :
—  On voit bien que vous ne les connaissez pas ! D’abord, le fou n’aime pas la marche…
Je lui dis :
—  Pourquoi ?
Il me dit :
—  Parce qu’il la rate ! !
Je lui dis :
—  Pourtant, j’en vois un qui marche ! ?
Il me dit :
—  Oui, c’est un contestataire ! Il en avait assez de toujours courir comme un fou. Alors, il a organisé une marche de protestation !
Je lui dis :
—  Il n’a pas l’air d’être suivi ?
Il me dit :
—  Si ! Mais comme tous ceux qui le suivent courent, il est dépassé !
Je lui dis :
—  Et vous, peut-on savoir ce que vous faites dans cette ville ?
Il me dit :
—  Oui ! Moi, j’expédie les affaires courantes. Parce que même ici, les affaires ne marchent pas !
Je lui dis :
—  Et où courez-vous là ?
Il me dit :
—  Je cours à la banque !
Je lui dis :
—  Ah !… Pour y déposer votre argent ?
Il me dit :
—  Non ! Pour le retirer ! Moi, je ne suis pas fou !
Je lui dis :
—  Si vous n’êtes pas fou, pourquoi restez-vous dans une ville où tout le monde l’est ?
Il me dit :
—  Parce que j’y gagne un argent fou !… C’est moi le banquier !


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Des "mauvaises nouvelles" qui donnent de la voix

Mardi 07 mai 2024

En ce début de semaine, Monsieur Éric Lebret mettait sa voix au service d’une de mes nouvelles, intitulée Un bon coup de balai. Ce "comédien-voix" avait déjà mis son talent au service de deux autres "mauvaises nouvelles" :

Au bout du chemin
Très chère amie

Cher Monsieur Lebret, si vous deviez passer par ici, sachez combien votre initiative m’a touché et m’encourage à reprendre le chemin de l’écriture, chemin le long duquel il m’aura été nécessaire de quelque peu "marquer le pas" ces trois dernières années, même si mes chères poézies auront continué à m’accompagner pendant cette période.

À bientôt
Paul Jeanzé