S’en aller

mardi 1er avril 2014
par  Paul Jeanzé
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En passant au ralenti devant les lueurs tournoyantes des ambulances, je préfère détourner la tête pendant que celle de mes voisins effectue le mouvement inverse, ces derniers cherchant sinon à se délecter du malheur des autres, au moins à se rassurer de penser qu’il y avait plus malheureux qu’eux, mais hélas, surtout pour jeter un regard haineux vers les lieux d’un drame qui aura osé leur faire perdre quelques instants d’un temps si précieux à leurs yeux. Pas de pitié, pas de compassion. Pas la moindre empathie. Il ne fait vraiment pas bon venir perturber les droits qu’a l’homme d’arriver à l’heure chez lui. Je repense à cette journée et murmure une rapide prière intérieure, ne sachant pas à qui je pourrais bien la destiner. À moi qui n’avais pas encore complètement perdu pied après cette journée ? À cet inconnu qui devait certainement reposer maintenant sous un plastique froid ? Était-il un vieux monsieur fatigué ? Un musichien ? Ou quelqu’un comme vous et moi qui avait trébuché, mais qui cette fois, ne s’était pas relevé ?

Mon voyage est maintenant terminé. Et c’est sans entrain que je remonte tristement le quai encore plus lentement que d’habitude. Alors que je suis bousculé par toute une horde de voyageurs dans le temps qui tentent désespérément de le rattraper en courant après, mon regard est attiré par un objet qui repose sur le ballast. C’est un curieux chapeau orné d’une tresse tenant lieu de ruban. Je suis maintenant seul sur le quai et je regarde fixement le chapeau. J’hésite un instant, un court instant pendant lequel il commence à virevolter au-dessus du ballast. Un vent léger vient de se lever au moment où un grondement sourd se rapproche du lointain. Je recule d’un pas au moment où le vent devenu violent accompagne le passage du train express. L’instant d’après, le chapeau a disparu, écrasé ou envolé sans doute. Il est pour moi temps de m’en aller. Alors que je ne suis pas descendu sur la voie pour tenter d’attraper ce curieux chapeau, je ne peux m’empêcher de me dire que ce n’est pas encore aujourd’hui que je vais sortir des rails de mon histoire.


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