Réflexions sur l’antisémitisme

Par Gérard Touaty
jeudi 15 février 2024
par  Paul Jeanzé
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La Torah, comme nous l’avons souvent expliqué, donne au Juif les codes d’interprétation des événements de son histoire. Ainsi, depuis que Hachem se révéla au Mont Sinaï, Israël apprit que l’antisémitisme n’était pas seulement une manifestation d’hostilité politique, économique ou sociale mais qu’il appartenait, au même titre que le chabbat ou la cacherout, à un système régi par la Volonté divine. Ce qui, dès lors, entraînait deux conséquences : l’impossibilité, d’une part, pour quiconque, coupé de la Tradition juive, d’expliquer l’antisémitisme, mais surtout la mise en valeur du fait que les causes de l’antisémitisme ne trouvaient pas leurs origines profondes dans la haine ou la cruauté d’un tyran mais au sein même du projet divin. Nous expliquerons ces idées à la lumière des premiers versets de notre paracha. (voir descriptif rapide)

Avant d’étudier ces versets, il faut rappeler une donnée essentielle qui sous-tend notre étude : c’est l’idée de différence entre Israël et les Nations. Il ne s’agit pas d’une différence culturelle ou biologique. Disons que la distinction Juif - non-Juif se situe sur un plan « supra-humain » qui donne au Juif une sensibilité spirituelle plus grande que celles des autres hommes [1]. Le texte de la Torah l’atteste clairement : « Soyez saints pour Moi, car je suis Saint Moi, l’Éternel, et Je vous ai séparés d’avec les autres peuples pour que vous soyez à Moi » [2].

Sur ce verset, Rachi nous donne un enseignement lumineux. Le Maître explique ainsi ce verset : « Que votre séparation d’avec les peuples soit en l’honneur de Mon Nom. (Comment ?) En se séparant de la faute et en acceptant sur soi la pratique du judaïsme ». On peut lire dans ces mots la nature de cette différence. Rachi vient souligner ici qu’elle ne doit pas être seulement nominale, mais qu’elle doit être vécue au niveau des faits ; un Juif se distingue d’un non-Juif par le chabbat, la cacherouth, l’étude de la Torah ou le port d’une kippa, et non exclusivement par un judaïsme de cœur ou par des mots.

Le premier verset de Chemot va plus loin : « voici les noms des enfants d’Israël qui viennent en Égypte ; Yaakov, chacun de ses fils et sa maison sont venus ». Beaucoup de commentateurs s’interrogent sur la répétition du verbe « venir », une fois au présent et une seconde fois au passé. L’un d’entre eux l’explique ainsi : lorsque des étrangers viennent s’installer sur une terre nouvelle, ils sont d’abord perçus en tant qu’étrangers. Avec le temps et l’installation, ils s’intègreront à leur nouvelle communauté.

Il n’en est pas de même pour le peuple juif. Qu’il vive ou qu’il oublie sa différence, les non-Juifs le percevront toujours comme un peuple à part. C’est l’idée force que vient souligner le verset : au début, « ils viennent » : situation normale de nouveaux immigrés ; on met l’accent sur leur venue. Mais le verset s’achève sur les mots « ils sont venus », pour nous rappeler qu’ils ne se sont pas réellement installés. On se souvient « qu’ils sont venus » : à nos yeux, ils sont toujours étrangers. Mais rappelons-le encore une fois : cette différence doit être vécue dans les faits. C’est pourquoi le verset précisera « Yaakov, chacun de ses fils de sa maison », mots qu’il faut comprendre comme synonyme de « tradition familiale et spirituelle ». Pour Yaakov et ses fils, le judaïsme est la seule justification de leur différence.

Rupture de contrat

Quelques versets plus loin, le texte nous fait le récit de l’accroissement d’Israël sur la terre de Gochène, province accordée par le Pharaon à Yosseph et à toute sa famille. « Les enfants d’Israël avaient fructifié, avaient pullulé, s’étaient multipliés, étaient devenus très puissants ; la terre fut remplie d’eux ». On peut s’étonner de la forme du dernier verbe. Tous les verbes sont à la forme active alors que le dernier est à la forme passive. Comme si la terre subissait contre son gré la présence du peuple juif.


[1Nous n’envisagerons cette définition que dans l’absolu. Il se peut que la vie nous montre parfois des Juifs n’étant pas tout à fait le reflet des exigences morales du judaïsme.

[2Vaykra (ch 20, v 26)


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