Chapitre dixième : « Le jour de l’éternité »

Texte intégral
mardi 8 avril 2025
par  Paul Jeanzé

Six jours par semaine, l’esprit est solitaire, méprisé, délaissé, oublié. Surmené de travail, accablé de soucis, soumis à l’inquiétude, l’homme n’a pas le cœur à l’informelle beauté. Mais l’esprit attend que l’homme le rejoigne.

Et puis, voici le sixième jour. L’anxiété, la tension cèdent à l’exaltation qui précède un grand événement. Le Chabbat n’est ps encore là, mais la pensée de son arrivée imminente éveille dans le cœur une impatience passionnée : être prêt à accueillir le Chabbat ! être digne à le recevoir !

« Tout homme doit mettre un grand, un très grand zèle à préparer le jour du Chabbat, à se montrer aussi actif et diligent qu’un homme qui aurait appris que la reine vient demeurer dans sa maison, ou que la fiancée et toute sa suite viennent lui rendre visite. Que ferait-il ? Il se réjouirait grandement et s’écrierait : « Quel honneur pour moi de les voir demeurer sous mon toit ! » Il disait à ses serviteurs : « Nettoyez à fond la maison, embellissez-là, préparer les lits ; quant à moi, j’irai acheter pain, viande et poisson, tout ce que je pourrai trouver de meilleur en leur honneur. » Cet homme s’occupera lui-même de la préparation des nourritures chabbatiques, eût-il un millier de servantes.

« Et qui donc est plus grand que le Chabbat ? Le Chabbat est à la fois la reine et la fiancée ; on l’appelle délices. Aussi le maître de maison doit-il se montrer mille fois plus affairé aux préparatifs du Chabbat, eût-il des centaines de servantes » (Sefer Hassidim).

« Ainsi faisait Rabbi Judah ben Ilai : la veille du Chabbat, il se faisait apporter un bassin d’eau chaude et il se lavait le visage, les mains et les pieds, s’habillait d’un vêtement de lin orné de franges, et s’asseyait ; il était semblable à un ange du Seigneur des armées (Chabbat, 25b) [1]

« Quand Rabbi Hammuna l’Ancien revenait de la rivière (où il s’était baigné) le vendredi après-midi, il s’asseyait quelques instants sur le rivage et, plein de joie, il levait les yeux. Il disait qu’il était assis là pour regarder monter et descendre les anges du Ciel. Chaque fois qu’arrive le Chabbat, disait-il, l’homme est transporté dans le monde des âmes. Heureux celui qui connaît les mystères du Seigneur. » (Zohar, III, 136b).

Quand tout travail a cessé, on allume les bougies. De même que la Création avait commencé par les mots « Que la lumière soit ! », la célébration de la création débute par des lumières. C’est la femme qui, la première, pénètre dans l’atmosphère de joie en allumant les lumières.

Et le monde tout entier entre dans le repos, devient un lieu de repos. L’heure est venue, comme un guide qui mènerait notre esprit au-delà des pensées communes. Les hommes se sont réunis pour accueillir la merveille du septième jour et le Chabbat étend sa présence sur la campagne, dans nos maisons, dans nos cœurs. C’est le moment où s’éveille l’esprit qui dormait dans notre âme.

Nous sommes rafraîchis et rénovés ; les bougies vacillent en rêvant à une ineffable espérance, à l’intuition de l’éternité ; dans nos vêtements de fête, nous sommes saisis du sentiment que tout ce que nous pourrions dire serait comme un voile. Il n’y a pas assez de grandeur en notre âme pour que nous puissions démêler en paroles le nœud du temps et de l’éternité. On aimerait chanter pour tous les hommes, pour toutes les générations. Des hommes se mettent à psalmodier le plus grand de tous les poèmes : le Cantique des Cantiques. Quelque chose d’immémorial, une sorte de densité d’âme coule dans leur voix. C’est le chant de l’amour d’Hachem, un poème de passion, de nostalgie, de doux regret.

Place-moi comme un sceau sur ton cœur,
comme un sceau sur ton bras ;
car l’amour est fort comme la mort,
la jalousie cruelle comme l’enfer :
ses flammes sont des flammes de feu,
une foudre puissante.
Les grandes eaux ne sauraient éteindre l’amour,
ni les fleuves l’étancher.
Un homme donnerait-il pour l’amour toute la richesse de sa maison, on le mépriserait comme rien.

(VIII, 6-7)

La place du marché a disparu. Le vent chante, les arbres sont dans la joie. Le Chabbat s’étend sur le monde, chantant dans le silence de la nuit : l’éternité s’exprime dans une journée. Quelles paroles pourraient rendre une telle puissance ?

La voix de l’Éternel est sur les eaux...
La voix de l’Éternel est puissante ;
La voix de l’Éternel est pleine de majesté...
La voix de l’Éternel... dénude les forêts ;
Et dans Son Temple, tout dire : Gloire !

(Psaume XXIX)

Nous allons tous au-devant de la reine, accueillir la fiancée de nos chants.

Viens, mon Bien-Aimé, au-devant de la Fiancée !
Allons accueillir le Chabbat !

Sion est en ruines, Jérusalem gît dans la poussière. Toute la semaine, nous n’avons que l’espoir de la Rédemption ; mais quand le Chabbat pénètre dans le monde, l’homme est touché par un instant de réelle et présente rédemption. Pour un instant, l’esprit du Messie glisse sur la face de la terre.

Sanctuaire du Roi, ville royale,
Lève-toi, sors de tes ruines...
Secoue la poussière, lève-toi !
Revêts les vêtements de la splendeur, mon peuple !...
N’aie point honte, ne rougis pas.
Pourquoi es-tu abattue, pourquoi gémis-tu ?
En toi se réfugieront les pauvres de mon peuple ;
Et la cité sera rebâtie sur ses ruines.
... Ton Roi Se réjouira en toi,
Comme se réjouit le fiancé de la fiancée...

Avant la dernière strophe, l’assemblée se lève et se tourne vers la porte pour recevoir l’hôte invisible. Tout le monde s’incline pour saluer.

Viens en paix, couronne de son Époux,
Viens en joie et gaîté,
Au sein des fidèles du peuple précieux
Viens, Fiancée ; viens Fiancée !

(Lekha Dodi)

Le Chabbat vient comme une caresse, balayant la peur, la tristesse et les sombres souvenirs. La nuit est déjà presque tombée lorsque commence la joie ; une âme belle s’insinue dans nos corps mortels et s’y attarde.

Nous ne savons comment remercier.

Avec sagesse, Tu ouvres les portes du ciel...
Tu diversifies les temps...
Tu fais rouler les ténèbres devant la lumière...
Tu établis une distinction entre le jour et la nuit.

Mais il est quelque chose de plus grand encore que les merveilles de l’univers : l’esprit. Dans Son monde, nous voyons sa Sagesse ; dans Son esprit, nous pressentons Son amour.

D’un amour éternel, Tu as aimé la maison d’Israël.
Tu nous as enseigné la Torah, les mitsvots, les lois et les commandements.
Ne nous retire jamais Ton amour.

Et puis nous entendons à nouveau les paroles de Moïse nous pressant d’apprendre à répondre à l’amour d’Hachem.

Tu aimeras l’Éternel ton Roi de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton pouvoir...

Suivent les paroles de l’Éternel :

... Afin que vous vous souveniez et que vous accomplissiez tous les commandements de l’Éternel, et vous ne suivrez pas les désirs de vos cœurs et de vos yeux, à la traîne desquels vous vous prostituez...
Je suis l’Éternel votre Roi qui vous ai fait sortir de la terre d’Égypte pour être votre Roi, Moi, l’Éternel votre Roi.

Et voici la réponse :

Vérité, tout cela est certain et constant pour nous. Il est l’Éternel notre Roi et il n’en est point d’autre, et nous, Israël, sommes son peuple.

Si seulement notre esprit était assez fort pour comprendre Sa souveraineté, pour vivre en Son royaume. Mais notre pensée est faible, notre esprit divisé.

Étends sur nous le pavillon de Ta Paix,
Mène-nous dans la voie droite par Ton juste conseil,
Sauve-nous pour la gloire de Ton Nom.

(Rituel du vendredi soir)

Le Chabbat et l’éternité sont un, ou tout au moins de même essence — l’idée est ancienne [2]. Une légende raconte que « lorsque Hachem donnait la Torah à Israël, Il leur dit : « Mes enfants ! si vous acceptez Ma Torah et observez Mes mitzvots, Je vous donnerai pour l’éternité ce que J’ai de plus précieux dans Mes trésors.

— Et quelle est cette chose précieuse, demanda Israël, que Tu nous donneras si nous obéissons à Ta Torah ?
— Le monde à venir.
— Montre-nous dans ce monde un signe du monde à venir.
— Le Chabbat est un exemple du monde à venir. » (Alphabet de Rabbi Akiba, Otzar Midrachim, p. 407 et p. 430. Cf. Kad haquemah, Chabbat, in finem).

Un texte ancien nous apprend que « le monde à venir est caractérisé par une sainteté semblable à celle que le Chabbat possède en ce monde... Le Chabbat possède un sainteté pareille à celle du monde à venir » (Mekhilta sur Chemot, XXXI, 17).

Rabbi Akiba, le maître de Rabbi Simeon ben Yohaï, exprimait la même idée : « Les Lévites chantaient au Temple de Jérusalem un cantique spécial pour chaque journée de la semaine. Le premier jour, c’était La terre est à l’Éternel (Psaume XXIV) ; le deuxième jour : Grand est l’Éternel (Psaume XLVIII) ; et ainsi chaque jour (Psaumes LXXXII ; XCIV ; LXXXI ; XCIII). Le Chabbat, ils chantaient Cantique chant pour le jour du Chabbat (Psaume XCII) ; cantique pour le temps à venir, pour le jour qui sera tout entier Chabbat et repos pour la vie éternelle » Michna Tamid, in finem et Rosh Hachana 31a).

Quelle est la nature du jour qui sera tout entier Chabbat ? C’est un temps où « il n’y aura besoin ni de nourriture, ni de boisson, ni d’aucune occupation terrestre ; mais les justes siégeront sur un trône, leur couronne sur la tête, se réjouissant de l’éclat de la Chekhina » (Abbot de Rabbi Nathan, 1 ; Berakhot 17a) ; Midrach Thelhillim, ch. 92, ed. Buber, p. 201a).

Selon le Talmud, le Chabbat est me’en ’olam ha-ba, c’est-à-dire quelque chose comme le monde à venir, l’éternité. L’idée qu’un septième de notre vie puisse être une expérience du Paradis est un scandale pour les païens et une révélation pour les Juifs. Et cependant Rabbi Hayim de Krasne va plus loin : le Chabbat n’est pas simplement une parcelle d’éternité ; il est une fontaine, une source (ma’yan) d’éternité, le puits d’où jaillissent les cieux et la vie du monde à venir.

Il faut apprendre à goûter la saveur du Chabbat tant qu’on est encore en ce monde, il faut être initié à la valeur de la vie éternelle, faute de quoi on serait incapable de jouir de l’éternité dans le monde à venir. Triste est le sort de celui qui arrive sans préparation ; quand il parvient au ciel, il est incapable de percevoir la beauté du Chabbat... (Rabbi Salomon de Karlin).

La tradition juive ne nous offre pas d définition du concept d’éternité, mais elle nous dit comment, à l’intérieur même du temps, acquérir l’expérience de l’éternité et de la vie éternelle. La vie éternelle ne prend pas naissance hors de nous ; elle est « plantée en nous », elle croît au plus profond de nous-même. Aussi le monde à venir n’est-il pas seulement un état posthume dans lequel l’âme pénétrera le lendemain du jour où elle a quitté le corps. L’essence du monde à venir est le Chabbat éternel, et, dans le temps, le septième jour est une image de l’éternité [3]. Le septième jour a le parfum du septième ciel ; il nous a été accordé comme avant-goût du monde à venir : ot hi le’olam, il est un signe, un témoignage de l’éternité (Rabbi Elie De Vidas, Reshit Hokhma, Sha’ar ha-Qedoucha, ch. 2).

On raconte l’histoire d’un rabbi qui, en rêve, pénétra un jour dans les cieux. Il fut autorisé à approcher du temple, au Paradis, où les grands sages du Talmud, les Tannaïm, vivent leur vie éternelle. Déçu, le rabbi s’étonna : « Est-ce là toute le Paradis ? » Mais une voix se fit entendre : « Tu te trompes. Les Tannaïm ne sont pas dans le Paradis ; c’est le Paradis qui est dans les Tannaïm. »

La philosophie aurait beaucoup à apprendre de la Torah. Pour le philosophe, l’idée du Bien est l’idée la plus haute. Mais pour la Torah, il est quelque chose de plus haut encore : le sacré. Le bien est la base, le sacré le sommet. Les choses qui furent créées aux six premiers jours, « l’Éternel vit que cela était bien » ; mais quand ce fut le tour du septième jour, il le rendit sacré.

Pour la piété juive, l’ultime dualité de l’homme n’est pas celle de l’esprit et de la matière, mais celle du sacré et du profane. Nous avons si longtemps vécu dans le monde du profane que nous nous sommes accoutumés à l’idée que l’âme est un automate. La loi du Chabbat tente de faire entrer notre corps et notre âme dans le domaine du sacré. Elle s’efforce de nous enseigner que l’homme n’est pas seulement en rapport avec la nature, mais aussi avec le Créateur de la nature.

Qu’est-ce que le Chabbat ? L’esprit dans le temps. Par notre corps, nous appartenons à l’espace ; notre esprit, notre âme prennent leur essor vers l’éternité, aspirent au sacré. Le Chabbat est une ascension vers les sommets. Il nous permet de sacraliser le temps, d’élever le bien au plan du sacré, d’apercevoir le sacré en nous abstenant du profane.

L’esprit sous forme de temps, l’éternité, peut sembler en fait un non-sens à ceux qui croient que l’esprit n’est qu’une idée que l’homme s’est forgée, que Hachem n’est qu’un objet parmi d’autres objets. Mais ceux qui conçoivent que Hachem transcende l’univers, que l’esprit est un processus infini auquel nous ne participons que fort modestement, comprendront et sauront ce que signifie un esprit révélé en un temps déterminé. On ne peut qu’être saisi d’une crainte révérencielle devant le miracle du temps, à la pensée qu’on puisse être prêt à saisir en un instant la présence de l’éternité. Il faut vivre et agir comme si le sort du temps tout entier était suspendu à un instant.

Nous pensons communément que la terre est notre mère, que le temps est de l’argent et que la réussite est notre compagnon. Le septième jour nous rappelle que Hachem est notre père, que le temps est de la vie et que c’est l’esprit notre compagnon.

Il est un monde des objets et un monde de l’esprit. Le Chabbat est un microcosme de l’esprit, comportant tous les éléments du macrocosme de l’esprit.

Tout comme le monde physique ne doit pas l’existence au pouvoir de l’homme — il est là, tout simplement — ainsi le monde de l’esprit ne doit pas son existence à la raison de l’homme. Le Chabbat n’est pas saint par la grâce de l’homme. C’est Hachem qui sanctifia le septième jour.

Selon la Torah, le monde fut amené à l’existence en six jours, mais sa permanence est liée à la sainteté du septième jour. Puissantes sont les lois de la nature ; mais sans la sainteté, il n’y aurait ni puissance ni nature.

La sainteté dans l’espace, dans la nature, était connue des autres religions. La nouveauté qu’apporta l’enseignement du Judaïsme fut de transférer progressivement l’idée de sainteté de l’espace au temps, du domaine de la nature au domaine de l’histoire, des choses aux événements. Le monde physique fut dépouillé de toute sainteté intrinsèque. Il n’y eut plus de plantes ni d’animaux sacrés. Pour être sacrée, une chose devait désormais avoir été consacrée par un acte conscient de l’homme. La sainteté n’est pas une qualité inhérente à la matière même ; elle est dispensée aux choses par un acte de consécration, et n’y demeure que dans les rapports avec Hachem.

La pensée prophétique met un accent particulier sur le temps. Les prophètes accordent plus d’importance au « jour de l’Éternel » qu’à la « Maison de l’Éternel ». L’humanité s’éparpille en nations, se divise en états ; mais il est un instant dans le temps — la fin messianique des jours — qui rendra à l’homme ce qui lui avait enlevé une chose dans l’espace, la Tour de Babel. C’est la perspective du Jour du Messie qui permet d’affirmer l’espoir que l’unité de tous les hommes sera à nouveau instaurée [4].

Les Dix Paroles ne parlent pas d’un lieu saint, mais, en revanche, aussitôt après leur promulgation, Hachem dit à Moïse : « En tout lieu où J’aurai fait souvenir de Mon Nom, Je viendrai vers toi et te bénirai. » (Chemot XX, 21). La conscience d’une sainteté qui n’était point attachée à un lieu particulier permit le développement de la synagogue ; le Temple était à Jérusalem seulement, alors que la synagogue était dans chaque village. La prière est liée à des heures déterminées, mais non pas à des lieux déterminés.

Dans la Torah, il n’est point de chose ou de lieu qui soient saints par eux-mêmes. Même l’endroit où devait s’ériger, en Terre Promise, le seul sanctuaire n’est jamais qualifié saint dans le Tanakh ; à l’époque de Moïse, l’emplacement n’est pas précisé. Plus de vingt fois, on en parle comme du « lieu que l’Éternel choisira » (au futur ; notamment : Devarim XII, 5, 11, 14, 18, 21, 26 ; XIV, 23 - 25 ; XV, 20 ; XVI, 2, 6, 7, 11, 15, 16 ; XVII, 8, 10 ; XXIII, 17 ; XXIII, 17 ; XXXI, 11).

Pendant des générations, l’emplacement demeura inconnu. Mais le Roi David aspirait à bâtir un temple pour l’Éternel. « Or il advint que, le roi demeurant en son palais alors que l’Éternel lui avait accordé la paix contre tous ses ennemis à l’entour, le roi dit à Nathan le prophète : « Vois, moi je demeure en une maison de cèdres, mais l’arche de Hachem demeure au milieu d’une toile de tente. » (II. Samuel, VII, 1-2). C’est ce désir de David que chante le psalmiste :

Souviens-Toi, Éternel, en faveur de David de toute sa peine,
du serment qu’il fit à l’Éternel,
du vœu qu’il voua au Puissant de Jacob :
« Que je n’entre point sous la tente où j’habite,
Que ne j’entre point dans le lit, en ma couche,
Que je n’accorde point le sommeil à mes yeux,
À mes paupières le repos,
Avant d’avoir trouvé un lieu pour l’Éternel,
Une résidence pour le Puissant de Jacob ! »

(Ps. CXXXII, 1-5)

C’est en réponse à la prière de David que fut révélé l’emplacement du temple :
Car l’Éternel a fait le choix de Sion,
Il l’a désirée pour Sa demeure :
« C’est là le lieu de Mon repos à jamais,
Ici je demeurerai, car Je l’ai désirée. »

(Ib., 13-14)

L’emplacement ne fut pas choisi parce qu’il jouissait de quelque qualité surnaturelle, intrinsèque, inhérente au sol, mais parce que l’homme avait prié pour un emplacement et que Hachem l’avait désiré [5].

Le Temple devint un lieu sacré, et pourtant sa sainteté ne lui venait pas de lui-même ; sa sainteté fut reconnue, et pourtant les prophètes ressentaient le paradoxe d’une sainteté attachée à l’espace. Le peuple d’Israël chantait :

Allons dans Son sanctuaire,
Prosternons-nous devant l’escabeau de Ses pieds !

(Ib., 7)

mais le prophète proclamait :

Ainsi parle l’Éternel :
« Le ciel est Mon Trône
Et la terre l’escabeau de Mes pieds.
Où est la maison que vous Me bâtiriez,
Où est le lieu de Mon repos ? »

(Isaïe, LXVI, 1)

Si Hachem est partout, Il ne peut être exclusivement en un endroit ; si Hachem fait toutes choses, comment l’homme pourrait-il faire une chose pour Lui ? (cf. ib., 2). Dans la liturgie du Chabbat, nous disons, aujourd’hui encore :

Sa Gloire emplit le monde.
Ses anges se questionnent l’un l’autre :
« Où est le lieu de Sa Gloire ? »

Les rabbins distinguaient trois sortes de sainteté : la Sainteté du Nom divin, la sainteté du Chabbat, et la sainteté d’Israël (Yalkout Shimoni, I, 830 ; voir aussi le Midrash cité dans Tosafot hagiga 3b). La sainteté du Chabbat précédait celle d’Israël [6] ; quant à la sainteté du Pays d’Israël, elle dérive de la sainteté du peuple d’Israël (Mekhilta s/XII, 1 ; et Eduyot, VIII, 6 ; Mishne Torah, Teroumoth, 1, 5 ; Tossafoth Zebahim, 62a). Le Pays n’était pas saint à l’époque de Terakh, ni même à celle des Patriarches ; il fut sanctifié par le peuple lorsqu’il y entra sous la conduite de Josué. La Terre fut sanctifiée par le peuple, et le Chabbat fut sanctifié par Hachem. On ne peut non plus identifier la sainteté du Chabbat avec celle des Fêtes ; en effet, la sainteté des jours de fêtes dépend d’un acte humain : c’est l’homme qui fixe le calendrier et détermine ainsi le jour de la semaine sur lequel tombera tel jour de fête. Si le peuple avait manqué à computer [7] la néoménie [8], Pâque n’aurait pas été célébré. Il en va différemment pour le Chabbat, sa sainteté demeure [9]. Et cependant, tous les aspects du sacré sont mystérieusement liés les uns aux autres [10]

La célébration même du Chabbat marque ce sens de la sainteté dans le temps : aucun objet rituel n’est nécessaire pour l’observance du septième jour, contrairement aux autres jours de fête pour lesquels certains objets sont indispensables au culte, tels que par exemple, le pain azyme à Pessah, ou le chofar, la trompette des Grandes Fêtes, ou encore le loulab et l’ethrog qui constituent le bouquet de la Fête de Souccot [11] Mais au jour du Chabbat, on ne met même pas les phylactères, le symbole de l’Alliance qu’on noue tous les jours de la semaine ; les symboles sont superflus : le Chabbat est lui-même symbole.

« Le Chabbat est tout sainteté » (Bamidbar Rabba, XIV, 5). Rien n’est indispensable, sinon une âme pour recevoir plus d’âme, car le Chabbat « maintient toutes les âmes » (Bahir, éd. Vilna, 1913, p. 7a) ; il est le monde des âmes : esprit dans le domaine du temps. Tous les sages sont d’accord, selon le Talmud, pour affirmer que le jour où la Torah nous fut donnée était un Chabbat (Chabbat, 86b), et en fait, c’est le seul jour où la Parole de l’Éternel pouvait être accordée à l’homme.

Chaque semaine, avec le retour du septième jour, se produit un miracle, la résurrection de l’âme, de l’âme humaine et de l’âme des choses. Un sage du Moyen Age déclare : « Le monde qui fut créé en six jours était un monde sans âme. C’est le septième jour que le monde reçut une âme ; c’est pourquoi il est dit : « Et au septième jour, Il se reposa waynnaphash’ (Chemot, XXXI, 17), du mot nephesh qui signifie âme » [12].

La sainteté du jour d’entre les jours n’est pas quelque chose qu’il nous faille contempler avec crainte et devant quoi nous devons humblement nous retirer ; il n’est pas saint loin de nous. Il est saint en nous et pour nous. « Vous observerez le Chabbat, car il est saint pour vous » (Chemot, XXXI, 14). « Le Chabbat ajoute à la sainteté d’Israël » (Mekhilta s/Chemot, XXXI, 14).

Le Chabbat transmet à l’homme quelque chose de réel, de presque perceptible, une lumière, pourrait-on dire, qui luit au coeur de l’homme et dont l’éclat resplendit sur sa face. « L’Éternel bénit le septième jour » (Berechit, II, 3) : « Il le bénit de la lumière qui resplendit sur un visage d’homme ; la lumière qui resplendit sur un visage d’homme n’est en effet pas la même durant la semaine que le Chabbat » (Berechit Rabba, XI, 2). Rabbi Simeon ben Yahaï en avait déjà fait la remarque (cf. Mekhilta s/xx, 11).

L’homme subit une transformation le jour du Chabbat : la veille au soir, l’Éternel donne à l’homme une neshama yeterah et Il la lui reprend à la fin du Chabbat, ainsi que nous l’enseignait au IIème siècle Rabbi Siméon ben Laquish (Betza, 16a ; Ta’anith, 27b). Neshama yeterah signifie esprit supplémentaire ; on traduit généralement cette expression par « âme supplémentaire ». Quel est le sens précis du terme ?

Certains penseurs le considèrent comme l’expression figurée d’un surcroît de spiritualité, ou de bien-être et de bonheur [13]. D’autres croient à la réalité d’une entité spirituelle, d’une âme seconde, accordée au corps de l’homme le septième jour. « L’homme reçoit en ce jour une âme supplémentaire, céleste, une âme qui est toute perfection, selon le modèle du monde à venir » (Zohar, II, 88b). C’est « l’esprit saint qui plane sur l’homme et le pare d’une couronne semblable à celle des anges », qui est accordée à chacun selon ses mérites [14].

C’est dans un but spirituel, enseigne le Zohar, que les âmes supérieures quittent leur sphère céleste et pénètrent, pour un jour, la vie des mortels. À chaque fin de Chabbat, lorsque les âmes célestes retournent à leur sphère, elles se réunissent devant le Saint Roi. Il demande à toutes les âmes : Quel aspect nouveau de la sagesse de la Torah avez-vous pénétré durant votre séjour dans le monde inférieur ? Heureuse l’âme qui peut raconter en présence de Hachem un degré nouveau que l’homme a atteint au cours du septième jour ! (Zohar, III, 173a). Mais quel embarras pour l’âme qui, en présence de Hachem, est contrainte au silence !

Selon une ancienne légende que rapporte Rabbi Aaron Samuel Ben Moshé Chalom de Kremnitz (XVIe siècle), dans Nishmat Adam (Pietrikow, 1911, p. 24), la lumière créée à l’origine du Monde n’était pas semblable à la lumière qui nous vient du soleil, de la lune et des étoiles. La lumière du premier jour était telle qu’un homme, en eût-il existé un, aurait pu voir, d’un seul coup d’œil, le monde d’une extrémité à l’autre. Mais l’homme était indigne de jouir de la bénédiction d’une telle lumière, et Hachem la cacha ; ce n’est que dans le monde à venir qu’elle apparaîtra aux justes dans tout l’éclat de sa gloire première. Et c’est quelque chose de cette lumière qui resplendit sur les saints et les hommes droits au cours du septième jour : c’est cela, l’âme supplémentaire.

On raconte aussi que Rabbi Loew de Prague (XVIe siècles) était surnommé le « Haut Rabbi de Prague » parce que le jour du Chabbat il semblait grandi d’une tête ; on le dit aussi de Rabbi Josué Horowitz (préface de Nezir ha-Shem, Lemberg, 1869). Quiconque regardait Rabbi Hayim de Tchernowitz (XVIIIe siècle) le jour du Chabbat, raconte-t-on encore, pouvait voir sur sa joue une rose. Ce même Rabbi Hayim écrivait : « Nous avons vu de nos propres yeux les transformations extraordinaires qu’apporte la sainteté du Chabbat à la vie d’un juste. La lumière de sainteté luit dans son cœur comme des langues de feu, et il est enivré du désir éperdu de servir Hachem... toute la nuit et tout le jour »... Dès que sont achevés ses préparatifs en l’honneur du Chabbat, « une radiation de lumière chabbatique illumine son visage. Il devient si resplendissant qu’on hésite presque à l’approcher » (Siddourshel Chabbat, Varsovie, 1872, p. 8c).

Mais le Chabbat, tel que le vit l’homme, ne peut survivre en exil, étranger solitaire parmi des jours profanes. Il a besoin de la compagnie de tous les autres jours ; tous les jours de la semaine doivent, spirituellement, se conformer au Jour d’entre les jours. Toute notre vie doit être un pèlerinage vers le septième jour ; nous devons toujours garder présent à l’esprit ce qu’il nous apporte, et savoir l’apprécier. Le Chabbat est le contrepoint de notre vie, la mélodie qui se poursuit en dépit de l’agitation et des vicissitudes qui menacent notre conscience, l’affirmation de la présence de Hachem dans le monde.

Ce que nous sommes dépend de ce qu’est le Chabbat pour nous. La loi du Chabbat est, pour la vie spirituelle, ce qu’est la loi de la gravitation pour la nature.

Rien n’est plus dur que de se libérer de l’asservissement à sa propre mesquinerie. Il faut que, vaillamment, constamment, paisiblement, l’homme lutte pour sa liberté intérieure ; il faut qu’il la conquière en abolissant la domination des choses autant que celle des hommes. Nombreux sont les hommes qui ont pu conquérir des libertés politiques ou sociales, mais combien en est-il qui ne soient pas restés soumis aux choses ? Notre constant problème est de vivre avec les hommes et rester libre, vivre avec les choses et demeurer indépendant.

En un instant d’éternité, alors que le parfum de la libération était frais encore chez ces hommes qui sortaient à peine d’esclavage, le peuple d’Israël reçut les Dix Paroles, les Dix Commandements. Le Décalogue débute et se termine par la liberté de l’homme. La première Parole — Je suis l’Éternel ton Roi qui t’a fait sortir de la terre d’Égypte, de la maison des esclaves — lui rappelle que sa liberté extérieure lui fut donnée par Hachem, et la dixième Parole — Tu ne convoiteras pas — lui rappelle qu’il lui faut conquérir lui-même sa liberté intérieure.

La littérature antique, pour marquer l’importance d’un mot, use de la répétition directe. La Torah, par exemple, dit : « La justice, la justice, tu la rechercheras » (Devarim, XVI, 20) ; « Consolez, consolez Mon peuple » (Isaïe, XL, 1). Des dix commandements, un sel est ainsi énoncé deux fois, le dernier : « Tu ne convoiteras pas... Tu ne convoiteras pas... » Il est évident que cette répétition souligne son extraordinaire importance. L’homme est averti de ne pas convoiter ni « la maison de ton prochain », ni « la femme de ton prochain, son esclave ou sa servante, son bœuf ou son âne, et tout ce qui est à son prochain. »

Nous savons que les passions ne peuvent être vaincus par décret ; le dixième commandement nous apparaîtrait donc vain si nous n’avions reçu au préalable le « commandement » concernant le Chabbat qui couvre près du tiers du texte du Décalogue, et qui constitue comme un résumé de tous les autres commandements. Quelle est la relation entre la quatrième Parole et la dixième ? Ne convoite rien de ce qui appartient à ton prochain, car Moi, l’Éternel, Je t’ai donné une chose qui M’appartient. Quelle est cette chose ? Une journée.

Le Judaïsme essaye de développer cette conception de la vie conçue comme un pèlerinage vers le septième jour, cette nostalgie du Chabbat tout au long des jours de notre vie [15]. On transpose ainsi notre convoitise des choses de l’espace en convoitise des choses du temps, en enseignant à l’homme à convoiter le septième jour durant toute la semaine. Hachem lui-même a convoité cette journée, l’appelant Hemdat yamim, désir des jours, jour désirable [16]. L’ordre de ne pas convoiter les choses de l’espace semble sous-entendre un corolaire inexprimé : Tu convoiteras les choses du temps.


[1Selon certains kabbalistes, on se lavait les mains et les pieds la veille du Chabbat pour montrer que nous sommes comme les prêtres au moment où ils prenaient leur service sacré au Temple de Jérusalem (Chemot, XXX, 21).

[2Nous lisons déjà dans les Pseudépigraphes (ndr : Texte, ouvrage faussement attribué à un grand personnage du passé.) : « Le septième jour est le signe de la résurrection et du monde à venir » et c’est pourquoi le deuil est interdit ce jour-là » (Vie d’Adam et Eve, XLI, 1).

[3À la fin de la prière après le repas, on ajoute, le Chabbat : « Miséricordieux, Fais-nous hériter du jour qui sera tout entier Chabbat et repos pour la vie éternelle. » Cette attente de la vie éternelle ne s’exprime pas dans la liturgie quotidienne (cf. Kuzari, III, 20). Dans la Amida qui est récitée quatre fois le Chabbat, nous disons : « Fais-nous hériter... du Chabbat de Ta sainteté. » C’est peut-être une allusion à la synonymie entre le Chabbat et la vie du monde à venir, puisque le Chabbat terrestre est déjà entre les mains de l’homme.

[4Hermann Cohen, Jüdische Schriften, Berlin, 1924, I, 325.

[5La tradition rabbinique tardive prétendait que sur le lieu où fut bâti le Temple s’étaient produits divers événements importants (cf. Maïmonide, Mishne Torah, Beth ha Behirah, II, 2). Il n’y a cependant aucune référence à ces événements dans le récit de la Torah. Voir M. Buber, Ben ’Am le-Artzo (texte hébreu, Jerusalem, 1945, p. 2).

[6C’est ce qui explique que les jours de fête, la bénédiction de la Haphtara se termine par « qui santifie Israël et les époques », alors que le Chabbat, nous disons seulement : « qui sanctife le Chabbat », — « parce que le Chabbat précéda Israël » ; il date de la Création (Soferim, XIII, 14).

[7dans le sens de « calculer »

[8La néoménie est le jour de la nouvelle lune et premier jour du mois dans certains calendriers luni-solaires.

[9« Et Moïse exposa aux enfants d’Israël les temps fixés pour l’Éternel » (Vayikra, XXIII, 44). « Seuls les jours de fête nécessitent la sanctification par le Beth-Din (tribunal rabbinique chargé entre autres, à l’époque talmudique, de la fixation du calendrier et de la déclaration des néoménies) et non point le Chabbat » (Nedarim, 78b). Cf. Mekhilta s/XXXI, 15.

[10Un Midrash déclare avec hardiesse : « La sainteté de l’Éternel, la sainteté du Chabbat, la sainteté d’Israël sont une » (Seder Eliahou Rabba, ed. Friedman, Vienne, 1902, p. 133. Yalkout Shimoni, I, 833 porte : « le Nom de Hachem », peut-être par allusion à Isaïe, VI, 3). La sainteté du Chabbat était si fortement ressentie, que la Torah emploie la racine HLL pour sa non-observance ; HLL signifie : polluer, profaner, violer le sacré ; c’est un terme de désécration (dans le sens d’abandon). Cf. Chemot, XXXI, 14 ; Isaïe, LVI, 2, 6 ; Ezekiel, XX, 13, 16, 21, 24 ; XXII, 8 ; XXIII, 38 ; Néhémie, XIII, 17, 18.

[11Un objet rituel est celui qui ne peut servir exclusivement qu’à l’accomplissement du rite. Le vin et le pain sur lesquels est récitée la sanctification du jour ne sont ni des objets sacrés, ni des objets rituels.

[12Rabbi Salomon ben Abraham Adret de Barcelone (1235 - 1310), Ya’akob Ta’anit, 27b. Cf. Bahir, pp. 7a et 15b, et le commentaire de Rabbi Moshé Alsheikh sur Berechit II, 7.

[13Rachi, le commentateur classique du XIe siècle, donne une interprétation psychologique. Pour lui, il s’agit d’une « plus grande réceptivité de l’âme à la paix, à la joie, de la participation aux repas, ainsi que l’absence de tout esprit chagrin ». (Betza, 16 ; cf. aussi Ta’anith 27b). Selon Ibn Ezra, contemporain rationaliste de Rachi, le septième jour apporte à l’âme un surcroît de puissance intellectuel (commentaire sur Berechit, LI, 3) ; cf. dans le même sens Rabbi Menahem Meiri, Le Livre du Repentir (texte hébreu), New York, 1950, p. 531. Même le grand mystique Nahmanide refuse de prendre à la lettre le concept de l’âme supplémentaire (cf. son commentaire sur Berechit II, 2 ; voir également Rabbi Menashe ben Israël, Nishmat Hayim, Amsterdam, 1652, p. 53 b). Rabbi Obadia Sforno, exégète, médecin et philosophe (Italie, 1475 - 1550) considère l’âme supplémentaire comme un accroissement du pouvoir que possède l’homme d’atteindre à ce que l’Éternel voulait qu’il atteignît lorsqu’Il dit : « Faisons l’homme à Notre image, comme Notre semblance » (cf. son commentaire sur Chemot XXXI, 17). Voir aussi Meyer Waxman, in Sefer Hashana, vol. VIII-IX, pp. 210 sq., New York, 1947.

[14Zohar Hadash, Berechit 17b ; Zohar, III, 242b. Au XIIIe siècle, R. Zedakia ben Abraham Anan de Rome dit explicitement : « Le jour du Chabbat, il y a deux âmes en l’homme » (Shibbole ha Leqet, 130). Selon le Maaseh Buch (trad. Gaster, p. 305) : « L’homme possède, le Chabbat, une âme de plus que les jours de semaine, et on peut le constater à son aire détendu. »

[15L’esprit du Chabbat n’est pas limité à un septième de la semaine. Nous possédons deux versions du Décalogue, celle de Chemot (XX, 2 sqq) et celle de Devarim (V, 6 sqq.) : dans la première version, le commandement du Chabbat début par les mots : Souviens-toi (zahor) du jour du Chabbat, et la seconde version : Garde (shamor) le jour du Chabbat. Un rabbin du XVe siècle, Al-Nakawa, écrivait dans son Menorat haMaor (III, 575) : « Souviens-t’en continuellement, attends avec passion sa venue (la racine ChMR, garder, veiller sur, prendre soin, pratiquer, possède également le sens de : attendre impatiemment, cf. p. ex. Sanh. 63b)... Attends, réjouis-toi de sa venue comme celui qui espère celle qu’il aime. »

[16Nous disons dans la liturgie chabbatique : « Tu as aimé le septième jour et Tu l’as sanctifié, Tu l’as nommé le plus désirable des jours. » La Torah ne porte pas cette dénomination, mais le verset Berechit II, 2, que nous traduisons communément : « Et Hachem achevas au septième jour... » est compris par une version araméenne, le Targum Yeroushalmi (ms. de Paris) : « Et Hachem désira le septième jour... », probablement par assimilation des deux sens de la racine KLL. Cette interprétation fut fréquemment reprise dans la tradition juive ; cf. en particulier : Mahzor Vitry, 103 ; Ba’al haTourim sur Berechit II, 2 ; Abrabanel ibid. ; etc ; Bamidbar Rabba XI note que wa Yekhoullou marque toujours le désir.


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Une année dans tous les sens

Mercredi 15 janvier 2025

Une nouvelle année commence, et fidèle à mes habitudes depuis dix ans maintenant, se termine une année de poézies, entre bon sens et contresens. C’est également la fin du triptyque en "sens". Pour les trois années à venir, j’espère aller au fond des choses, tout en évitant l’overdose et les pensées moroses.

Bien à vous,
Paul Jeanzé