Avant la mitsvah
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La paracha de cette semaine expose en quelques versets l’une des mitzvoth « phare » du judaïsme. Une mitzva qui selon la Tradition symbolise toute la Torah à elle seule : la mitzva des « tsitsith », les fils qu’un homme doit accrocher aux quatre coins de ses vêtements. À partir de là on aurait pu penser voir la Torah donner à notre paracha un nom plus ou moins en rapport avec cette mitzva. Il n’en sera rien. Le nom choisi évoquera l’envoi par Moché de douze explorateurs afin de préparer l’entrée du peuple sur la terre d’Israël. La valeur de cette mission n’est a priori pas comparable avec l’importance de la mitzva du « tsitsith » ! Pourtant notre paracha aura pour nom « Chela’h » qui signifie « Envoie » comme si la Torah voulait donner à ce récit une dimension capitale.
Sur le point d’entrer sur la terre d’Israël, le peuple demande à Moshé d’envoyer quelques hommes préparer la conquête du pays. Douze chefs de tribu furent choisis pour cela mais leur périple, qui dura quarante jours, se solda par une véritable catastrophe. Alors que leur mission consistait à faire un rapport objectif de la nature de la terre promise, ils se permirent une conclusion qui remettait en cause le projet divin : « ... Nous ne pourrons pas monter contre ce peuple car il est plus fort que nous » [1] Ce refus implicite de prendre possession de la terre d’Israël fut la cause d’une errance de quarante ans dans le désert.
La force d’accomplir
De ce récit se dégage l’un des fondements du judaïsme, plus particulièrement dans la pratique des mitzvoth : la certitude qu’un ordre donné par Hachem peut être réalisé. En d’autres termes, lorsque Hachem nous donne une mitsva à accomplir, Il donne dans le même temps la force et les moyens de l’accomplir. Toutefois, fort de cette conviction, on ne doit pas pour autant penser que les choses se feront d’elles-mêmes. « On ne s’appuie pas sur un miracle » déclare le Talmud [2] et chacun doit donc s’efforcer d’acheminer dans la réalité l’injonction divine. C’est la raison qui explique le nom de notre paracha. « Chela’h » qui signifie « envoie » est une allusion à l’idée qu’un Juif, avant d’accomplir une mitzvah, doit préparer sa réalisation comme les explorateurs qui devaient explorer le pays, la qualité de son sol, la densité de sa population, etc. pour permettre au peuple la mitzva de l’installation sur la terre.
Ce principe énoncé pourrait susciter une question pertinente. Pourquoi est-il enseigné ici et pas dans une autre paracha ? Nos Maîtres proposent la réponse suivante : l’entrée et l’installation sur la terre d’Israël qui devaient se réaliser dans notre paracha ont valeur de symboles de toutes les mitzvoth [3]. Accomplir une mitzva c’est illuminer la matière d’une force divine et donc changer son statut d’objet profane en objet saint. Il en était de même pour la terre d’Israël. La conquérir c’était sanctifier un espace habité par l’un des peuples les plus pervertis du moment.
Une finalité
Il est encore un autre point tout aussi fondamental que notre paracha nous enseigne. Comme nous venons de le voir, il est nécessaire, avant d’accomplir une mitzva, « d’explorer » les conditions matérielles de sa réalisation. Mais une exploration est toute aussi impérative. C’est celle qui consiste à se préparer spirituellement. Avant de faire une mitzva nous devons réfléchir à son contenu moral et spirituel, et nous rappeler qu’elle émane de la Volonté d’Hachem.
Cette réflexion est désignée en hébreu par le terme de kavana qui peut être traduit par le mot « direction ». Penser nos actes les plus quotidiens comme les plus importants c’est leur donner un objectif, une finalité. C’est aussi prouver que nous ne sommes pas que des machines.
[1] Chap. 13, verset 31
[2] Cf. Traité Pessa’him p. 64b
[3] Comme le principe de préparer la réalisation d’une mitzva qui s’applique à toutes les mitzvoth.